Par Mathieu Morin, intervenant jeunesse au Centre de la Famille Valcartier

Ils ne veulent pas travailler, passent leur temps sur les écrans, sont trop précoces et ont tout, « tout cru dans le bec »!

Ah, les jeunes d’aujourd’hui!

« Nos jeunes aiment le luxe, ont de mauvaises manières, se moquent de l’autorité et n’ont aucun respect pour l’âge. À notre époque, les enfants sont des tyrans. »… Cette citation de Socrate (470 – 399 av. JC) semble démontrer que de tous temps, les adultes ont considéré les jeunes comme plus paresseux et moins respectueux que leurs aînés. De nombreux extraits du genre, tirés de diverses époques, abondent dans le même sens. L’ado version 2020 est-il donc si différent de celui des générations précédentes? S’il n’existe pas de réponse définitive à cette question (car oui, bien entendu, la société et donc les humains qui la composent ont bien évolué), les comportements des jeunes semblent à peu près similaires à travers les années.

Des jeunes de leur temps

Réglons tout de suite la question : non, les jeunes d’aujourd’hui ne sont pas plus paresseux, précoces ou irrespectueux que leurs prédécesseurs. Ils s’adaptent simplement aux normes et valeurs du jour. Fort différente de la vôtre il n’y a pas si longtemps encore, leur vision du monde peut avoir de quoi faire blanchir vos cheveux de façon prématurée. Le « ici, maintenant » a remplacé la stabilité à long terme, le plaisir prime sur le travail et l’invulnérabilité a laissé sa place à l’affirmation de soi et à l’écoute de ses besoins. L’adolescent de 2020 est aussi sensible que celui de 1960 et vit la même émotion pour une situation donnée. La différence est qu’aujourd’hui, il sait la reconnaître et la nommer! Ce qui (d’un point de vue d’intervenant, en tout cas) est une très bonne chose, soit dit en passant.

La vie sociale des jeunes a certes évolué par rapport aux dernières décennies, entre autres par l’émergence des médias sociaux. Leur facilité d’accès rend les jeunes vulnérables quant aux étrangers, à la confidentialité de leurs renseignements personnels et à la diffusion de ce qu’ils partagent en ligne. Cela peut aussi avoir d’autres impacts, par exemple en les rendant plus sédentaires ou en accentuant la pression sociale. Un mot sur l’intimidation: autrefois, elle se produisait à l’école et au trajet entre celle-ci et la maison. Aujourd’hui, un jeune peut être intimidé jusque dans sa chambre via son cellulaire. Tous ces éléments font en sorte que les jeunes doivent être davantage sensibilisés et éduqués quant à l’utilisation du web et cela demande aussi aux parents et intervenants de se maintenir à jour, ce qui n’est pas chose aisée!

Informés et responsables

L’évolution technologique n’a pas que du mauvais : en fait, les jeunes sont de plus en plus informés. Votre enfant ne changera peut-être pas ses pneus lui-même, mais n’essayez pas de lui en passer une sur les enjeux liés aux changements climatiques! Plus (et mieux) informés veut aussi dire plus sensibilisés. Concernant la prise de risque, par exemple, les chiffres sont rassurants, car, en fait, nos jeunes sont plutôt responsables : une forte majorité d’entre eux sont non-fumeurs[1], consommeraient peu ou pas d’alcool et/ou de drogue (+/- 90%)[2] et leur précocité sexuelle serait sensiblement la même que dans les années 80[3]. Pourquoi pense-t-on le contraire? Probablement car les perceptions sociales ont changé. On ne marginalise plus un jeune ayant des rapports intimes hors mariage ou consommant de l’alcool lors d’un party. Ces comportements sont moins cachés, car moins répréhensibles; nous les voyons donc davantage. Certains sont même encouragés et largement diffusés (à la télévision, dans les publicités, sur les médias sociaux, etc.).

Choisir son emploi ?!

La conjoncture économique actuelle et le plein emploi (avant la crise de la COVID-19, en tout cas) sont favorables aux jeunes et ces derniers savent en tirer parti. Finie, l’époque où l’on arrivait fièrement à l’épicerie, au restaurant ou à la boutique avec son curriculum vitae préparé avec soin, pour le voir déposé sur une pile de dizaines d’autres. Cette démarche était généralement accompagnée d’un « merci, si on a quelque chose on va t’appeler! », que l’on savait d’avance générique et sans suite. Aujourd’hui, le candidat a à peine mis un orteil dans un commerce qu’il est déjà engagé sans même qu’il n’ait de référence à fournir. Comment leur en vouloir, alors, de faire des essais et de changer d’emploi ou de programme scolaire pour un autre plus à leur goût? Avoir eu ce choix, nous aurions sans doute fait la même chose! Le fait de vivre plusieurs expériences différentes n’est pas mauvais, puisque cela favorise le développement de la connaissance de soi. Attention toutefois aux changements d’emplois trop fréquents et une démission doit être faite dans le respect et les règles de l’art, sous peine d’affecter son « nom ». Des références de qualité seront peut-être nécessaires pour un emploi professionnel ou certains programmes d’étude contingentés. N’oublions pas non plus l’aspect monétaire : des études qui s’allongent peuvent alléger conséquemment le portefeuille!

En terminant : l’inverse est aussi vrai!

Il existe une panoplie d’articles sur les adolescents : on y décortique leur comportement, le développement et la puberté, on traite d’encadrement ou encore de stratégies parentales, la plupart du temps sans que l’ado ne se voit accorder le moindre droit de parole. Or, leur point de vue sur le monde qui les entoure est très pertinent et enrichissant, pour peu que l’on s’y intéresse.

Bien souvent, les adultes entretiennent eux-mêmes le supposé fossé qui les sépare de la nouvelle génération. « Dans votre temps », vous deviez marcher 12 km à pied et franchir un lac à la nage pour aller à l’école, vous travailliez déjà à temps plein à 7 ans et, surtout, vous ne pouviez en aucun cas répondre à vos parents, sous peine d’emprisonnement à vie

Plus sérieusement : oui, il existe plusieurs divergences entre les générations et ce sera pareil pour les suivantes. Oui, nos jeunes ont un peu plus de ceci, un peu moins de cela. L’important est de s’en servir pour se rapprocher et grandir mutuellement. Ne regardez pas trop votre ado de haut : il vous en apprendra peut-être plus que vous ne le croyez! Par-dessus tout, n’oubliez pas que peu importe l’époque, les besoins des jeunes sont les mêmes : être encouragés, valorisés pour leurs forces et sentir qu’on croit en eux; simplement, ils le savent peut-être un peu plus, aujourd’hui.

Des inquiétudes ou questions? N’hésitez pas à contacter l’équipe jeunesse du Centre de la Famille Valcartier!

[1] Institut De la statistique du Québec, « SANTÉ PHYSIQUE ET HABITUDES DE VIE CHEZ LES JEUNES DU SECONDAIRE AU QUÉBEC EN 2016-2017 », https://stat.gouv.qc.ca/statistiques/infographies/eqsjs2018-sante-jeunes-dec1805.pdf (page consultée le 1er juin 2020)

[2] Ibid.

[3] Martin BLAIS, Sarah RAYMOND, Hélène MANSEAU, et Johanne OTIS, La sexualité des jeunes Québécois et Canadiens. Regard critique sur le concept d’hypersexualisation, [En ligne], 2009, https://www.erudit.org/fr/revues/globe/2009-v12-n2-globe1498040/1000705ar.pdf (page consultée le 1er juin 2020)