Par Mathieu Morin, intervenant jeunesse au Centre de ressources pour les familles militaires Valcartier

On le savait déjà, mais la crise sanitaire actuelle a mis encore plus en évidence notre rapport continuel avec l’univers numérique. Le télétravail n’a jamais été autant d’actualité, l’école se fait en ligne et il devient difficile de tracer la ligne entre le divertissement, la vie professionnelle et la vie privée. En fait, on peut rester connecté une journée entière sans trop s’en apercevoir!

L’article précédent (Mon ado virtuel – partie 1) abordait la virtualisation de manière générale. Le présent texte traite du (trop?) grand nombre d’heures passées en ligne et tente de répondre à vos préoccupations en lien avec le temps d’écran de votre jeune.

Dépendance?

C’est une situation classique et de plus en plus courante : un parent nous contacte car il s’inquiète de la surutilisation du numérique de son jeune, car son comportement change lorsqu’il joue trop ou, à l’inverse, lorsque son temps d’écran est limité.

Or, bien qu’il soit tout-à-fait légitime de vous en faire pour votre ado, le fait que vous trouviez qu’il passe trop de temps sur les écrans ne fait pas automatiquement de lui un jeune ayant une addiction. Bien-sûr, la cyberdépendance existe. Le phénomène est connu et documenté et il existe plusieurs services d’aide à cet effet, pour les jeunes et leurs parents. Cela dit, la dépendance (virtuelle ou autre) implique certains critères et les professionnels disposent d’outils cliniques spécifiques pour statuer sur la situation précise de votre enfant.

Plusieurs raisons d’être connectés

Outre les motifs usuels scolaires, professionnels et de la vie courante (transactions financières, magasinage, recherche, etc.), plusieurs raisons peuvent nous amener à passer autant de temps en ligne. En voici quelques-unes :

– La réalité d’aujourd’hui : une grande majorité d’adultes – et donc de jeunes – passent beaucoup de temps sur leur cellulaire. Tout se passe par textos. En 2020, le jeune qui appelle ou se rend chez son ami pour voir s’il est disponible est une espèce en voie de disparition.

– La socialisation : c’est un besoin primaire chez l’humain, comme se nourrir. En suivant le principe selon lequel l’humain répond à ses besoins de la manière la plus facile et accessible, on comprend pourquoi les jeunes s’éternisent sur leur cellulaire à discuter avec leurs amis et à regarder ce qui se passe sur les médias sociaux. Ils socialisent, sans avoir à se lever du divan!

– Le divertissement : c’est amusant, les jeux vidéo et les séries. Comme tout autre passe-temps, leur utilisation ne sera pas problématique en soi si elle est bien dosée et que les sources de plaisir et de valorisation de votre enfant sont variées.

– Un refuge : toute personne vivant du stress (ex. conflit, tensions familiales, intimidation, deuil, etc.) doit le gérer comme elle le peut. Le web, le jeu ou les séries peuvent facilement devenir une échappatoire. En fait, la surutilisation du virtuel n’est en général pas LE problème : c’est un symptôme.

Lumière jaune

Certains signes peuvent suggérer que l’utilisation du numérique de votre jeune est problématique ou présente le potentiel de le devenir* :

– La situation a des impacts sur plusieurs sphères (sociale, scolaire, familiale, etc.).

– Le numérique est le centre de sa vie : il organise son quotidien en fonction des moments où il pourra se connecter.

– Il s’isole ou délaisse des activités qu’il aimait pratiquer auparavant.

– Sa santé semble affectée (insomnie, maux physiques, changement de comportement ou d’humeur, irritabilité, indices dépressifs, etc.).

– Il joue/se connecte très tard ou la nuit, même s’il travaille ou a de l’école le lendemain.

– Il a tenté en vain de réduire son temps d’écran.

– Il semble en perte de contrôle ou outrepasse certaines règles sociales (ex. joue à l’école alors que c’est interdit, vole de l’argent à ses parents pour payer des jeux, etc.).

*Attention aux « diagnostics » maison : en cas de doute, mieux vaut consulter!

Je m’inquiète pour mon jeune, que faire?

En tant qu’adultes, on adore critiquer le comportement des jeunes, mais rarement leur demande-t-on leur avis. C’est pourtant la première chose à faire si vous croyez que votre jeune vit une difficulté. Si le virtuel est bel et bien un refuge pour lui, il faut s’intéresser avant tout à la source de son malaise (de quoi se réfugie-t-il?). Quelques conseils :

– Montrez-vous disponibles et évitez de juger le comportement de votre jeune, surtout si ce dernier vous préoccupe. Se faire répéter sans arrêt qu’il passe trop de temps sur les écrans risque d’avoir l’effet inverse. Et pourquoi affubler son enfant d’une étiquette de cyberdépendant, alors que c’est probablement la dernière chose dont il a besoin.

– Attardez-vous en premier-lieu au bien-être de votre enfant: lui avez-vous demandé comment il se sent actuellement? Avez-vous analysé le contexte dans lequel il évolue? Qu’en est-il de sa vie sociale? Y a-t-il eu des changements importants dernièrement dans la famille ou autre? Vit-il du stress par rapport à une situation donnée? Si votre jeune ne souhaite pas se confier à vous, il le fera peut-être à un proche ou à un intervenant. L’important est de lui offrir l’espace et les opportunités.

– Il peut être tentant d’utiliser les paramètres de contrôle parental mis à votre disposition par les distributeurs de services internet. Il est très pertinent de limiter le temps d’écran afin de, justement, prévenir l’apparition d’un problème en ce sens. Cela dit, si votre jeune passe déjà plusieurs heures par jour en ligne et que ce contrôle n’avait pas été appliqué préalablement, il faut le faire graduellement, sous peine d’introduire un changement trop drastique, ce qui serait contreproductif.

– On le répète : ce qui peut paraître comme une dépendance au virtuel est bien souvent le symptôme d’autre chose. Ainsi, axer son intervention seulement sur le temps d’écran risque de vous faire passer à côté du malaise réel vécu par votre jeune. Cela pourrait augmenter la détresse de votre enfant, cristalliser son malaise et favoriser l’apparition d’autres problèmes plus importants.

Besoin d’aide?

Comme nommé plus haut, il existe plusieurs ressources pour vous accompagner, vous et votre jeune, ou simplement répondre à vos questions. N’hésitez pas à nous contacter par téléphone au 844-6060 ou par courriel à l’adresse servicesjeunesse@crfmv.com. Il nous fera plaisir de prendre tout le temps de discuter de votre situation, et ce, afin de vous outiller et de nous assurer de vous référer à la bonne ressource.

N.B. : le masculin a pour seul but d’alléger le texte; ce qui est vrai pour un garçon l’est tout autant pour une fille!